Confiscation de notre eau potable: stop ou encore?
C’est une démarche sans précédent à Paris-Saclay que cette lettre ouverte des associations d’usagers de l’eau potable de CPS, « Aggl’eau CPS », du centre Essonne « Eau publique Orge-Essonne », et de la « Coordination eau Ile de France :
Rompre avec des décennies sous emprise des multinationales dans le domaine de l’eau potable? Même si les retours d’expériences des élus locaux qui ont franchi le pas sont largement positifs, même si les anciennes et nouvelles régies publiques sont disponibles pour aider ceux qui rejoignent le mouvement, la petite rengaine des « entreprises-privées-seules-capables-de-gérer-un-domaine-aussi-complexe »continue à tourner. Parfois même dans des secteurs inattendus: c’est le cas dans l’agglomération Paris-Saclay (C.P.S), qui accueille un des plus grands pôles scientifiques de France; Un endroit où la recherche publique, notamment dans le champ environnemental, est en première ligne pour construire les réponses aux besoins sociaux compatibles avec nos limites planétaires.
Dis Papa, pourquoi ça coince à Saclay?
Mais les atouts socio-économiques ne font manifestement pas tout; pour des raisons totalement inconnues des quelques 320 000 habitants , 180 000 salariés et 60 000 étudiants de CPS, les dirigeants de l’Agglo étaient portés disparus lors des premières réunions organisées cet été entre collectivités essonniennes pour construire l’outil public de gestion de la production et du transport d’eau potable répondant aux enjeux de tout le sud francilien et même au-delà. Un enjeu stratégique: , si les collectivités sud-franciliennes, dépendantes à 95% des multinationales pour leur approvisionnement en eau, se dotent de leurs propres moyens de répondre à leurs besoin, c’est le rapport de force à l’échelle régionale qui s’en trouvera modifié.
Usines de production d’eau largement payées par les usagers cherchent repreneur public
L’année 2021 en Essonne est en effet potentiellement celle d’un tournant historique, à travers la création d’un syndicat mixte (c’est-à-dire-réunissant des collectivités et établissements territoriaux de différents statuts) pour reprendre en maîtrise publique les usines de productions et les canalisations de transport d’eau du RISF , réseau interconnecté du sud-francilien aujourd’hui détenu par Suez: un réseau qui approvisionne majoritairement les agglomérations de GrandParis-sud , Coeur d’Essonne, Val d’Yerres-Val de Seine et Paris Saclay en Essonne et même une partie du Val de Marne, et plus d’un million d’habitants. Une situation qui permet à Suez d’imposer un prix d’eau « en gros » de l’ordre du double du prix de revient. Difficile de faire une estimation plus précise, Suez s’étant toujours opposé à fournir le moindre justificatif pour son prix de vente. En tout cas, un prix fondé sur un niveau d’amortissement des usines et des tuyaux tel qu’ils sont déjà largement amortis et remboursés par les usagers à travers leurs factures.
L’union fait la force. Et la désunion?
Suez, est aujourd’hui sacrément déstabilisée par l’offre publique d’achat finalisée à son encontre par Veolia, avec la bénédiction de l’Elysée, et nul ne pariera sur son devenir à moyen terme. Ça n’empèche pas ses dirigeants, peut-être avec l’énergie du désespoir de s’arc-bouter pour sauver ce qui peut l’être de leurs bastions et de leurs profits dans le domaine de l’eau. D’où l’importance d’un front commun des collectivités aujourd’hui desservies par le RISF, dans les négociations engagées avec Suez pour qu’elle cède enfin la place. Et d’où les inquiétudes suscitées par le refus des dirigeants de CPS de rejoindre ce front commun. Au bénéfice de qui?
CPS, une proie rèvée pour Veolia….via le SEDIF
Pendant que les dirigeants de CPS font bande à part , d’autres ont bien compris le bénéfice à retirer de cette situation. Le Comité du Sedif du 14 octobre a été l’occasion pour son président à vie, Santini, d’affirmer publiquement son ambition confiante d’absorber dans le SEDIF les 22 communes de Paris-Saclay qui n’en font pas partie. Une opération indispensable pour compenser la perte des 14 communes de petite couronne parties pour échapper à l’emprise de Veolia et au nouveau racket prévu dans le cadre de son futur contrat, avec » l’opération OIBP » (voir nos articles précédents sur ce blog au sujet de cette nouvelle technique de traitement de l’eau potable, catastrophique pour le prix de l’eau et pour l’environnement)
Une opération pharaonique conçue à l’échelle des 250 millions de mètres cubes d’eau du contrat initial du Sedif , un volume potentiellement réduit de 15% par le départ des 14 communes , d’où l’impérieuse urgence de trouver de nouveaux pigeons pour écouler « l’eau plus pure que pure » produite par OIBP (osmose inverse basse pression. Un projet qui prend l’eau aujourd’hui, du fait des avis défavorables qu’il suscite, tant son bilan environnemental est désastreux.
Il faut en effet garder à l’esprit que le contrat du Sedif avec Veolia depuis un siècle constitue le plus gros marché mondial de Veolia dans le domaine de l’eau et qu’il est hors de question pour lui de laisser plumer cette poule aux oeufs d’or.
Des questions trop graves pour se règler en coulisses
Il faut prendre la mesure dans ce contexte de redistribution des cartes et d’offensives très agressives des multinationales pour préserver leurs parts de marchés et leurs marges. Dix ans après la reconnaissance de droit à l’eau comme un droit universel et l’eau comme un bien commun qui doit échapper aux logiques marchandes, les habitants ne sont plus disposés à subir les pratiques d’omerta qui ont marqué l’histoire des relations entre les Compagnies d’eau et le monde politique en France .
A Saclay comme ailleurs, le débat publique doit enfin s’imposer. C’est la meilleure garantie que l’intérêt général prévale.





